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Portraits d'amateurs

Est-ce que l’amour existe encore ?

En ce début d’année 2022, c’est l’investigation que Marie-Pierre Hoareau, conseillère Arts vivants - pratique amateur du Département se propose de mener en allant à la rencontre des amateurs du Département.

Amateur qui au sens étymologique du terme signifie « celui qui aime ».

Où sont-ils ces amoureux des pratiques artistiques, de l’art vivant ?

Est-il encore possible de pratiquer un art par amour sans attendre d’en devenir professionnel, juste pour le plaisir de la création, des sons, des couleurs, des mots, du partage ?

Existe-t-il encore de véritables amateurs ? qui prennent et surtout trouvent du temps pour cela dans nos mondes pressés ? et qu’ont-ils à nous apprendre ?

Découvrez deux premiers portraits d'une série à venir, avec:

  • Gilbert Combe, Théâtre des Genévriers à St Crépin
  • Pierre Maurice, danseur amateur à Guillestre.

Gilbert Combe, Théâtre des Genévriers

Quelle chance pour la commune de St Crépin de compter parmi ses habitants un passionné de théâtre comme Gilbert Combe, et quelle chance pour ce dernier d’habiter une commune où siègent, depuis ses débuts, des municipalités qui l’ont toujours soutenu dans ses projets artistiques.

Est-ce parce que la première fois qu’il fit du théâtre à l’âge de 13 ans, ce fut dans le rôle d’un ange ? Ou parce que « c’était mieux avant » ?

Certainement pas vous dira-t-il, pas adepte pour un sou de ce raisonnement. Car voyez-vous, ce qu’il se passe depuis plus de 60 ans à St Crépin, c’est comme une concordance des temps, des volontés, du lieu, des envies, du public. Une vie, celle de Gilbert, où l’art semble avoir trouvé sa place d’une manière fluide.

Preuve que c’est possible.

Au départ c’est une histoire de famille avec Jean et Maguy, et de copains : Héliane, Jo, Colette, tous coude-à-coude pour la première création « Le curé de Cucugnan » en 1955 et dans celles qui suivront pendant de nombreuses années.

Petit à petit se créera un répertoire, qui se veut exigeant mais accueillant tous les styles : de la farce à la poésie. Et puis des aides structurantes, comme la salle dans laquelle le groupe se produit jusqu’à maintenant, et qui leur fut accordée par les derniers pénitents blancs de St Crépin.

Une chapelle donc, transformée progressivement en théâtre.

Les années passant, Gilbert deviendra professeur de français au lycée Bristol de Cannes. Un métier idéal pour allier vie amateur, passion du théâtre et créations régulières.

Dans ce lycée, il ouvre un bac théâtre grâce auquel des jeunes se forment toute l’année.

Quand arrive l’été, St Crépin les attend avec Gilbert dans les rôles de metteur en scène, directeur d’acteurs, souvent auteur, et Michèle, sa femme, dans le rôle de la cuisinière dévouée et de costumière.

Tous bénévoles, les voici qui se lancent chaque année dans un marathon créatif de quinze jours avec pièce de théâtre à la clef : décor, costumes, textes, jeu, scénographie, lumières, avec les accros du village, petits et grands, intégrés dans la troupe.

Cette alliance de transmission de l’art du théâtre à Cannes et de créations théâtrales à St Crépin durera des années.

Et si aujourd’hui Gilbert est à la retraite, l’aventure continue.

Chaque été, il réunit une équipe pour des créations toujours bénévoles, éphémères et nouvelles permettant à certains une découverte intense de l’art du théâtre et à d’autres l’accès à un plaisir renouvelé : le réenchantement des planches, des mots, du jeu scénique.

Gilbert écrit des pièces - patrimoine comme « Chapin ou Chopin ? », ou sur des sujets qui lui tiennent à cœur : « Soleils Exilés - A la Rencontre des Migrants » ou des adaptations théâtrales de grands textes : « L’ Odyssée » en 2019 et les « Chroniques Martiennes » en 2021; ou d’autres encore, pour les jeunes, et dont le titre résonne comme un appel : « Il est où le bonheur ? »

« Ce théâtre de groupe, de partage, de chansons, de rires, de grandes tablées, de veillées, ce théâtre où l’on fait tout […]

Ce théâtre populaire de qualité qui sait travailler en groupe même quand c’est difficile[…] qui s’engage toujours humainement, qui respecte son public…sera le meilleur de mes études, de mon métier de mes ateliers, de ma pédagogie, de mes lectures, de mes amitiés, de beaucoup de mes rêveries.

Il est une brique essentielle de ce que je suis devenu … »

Ce sont ses mots et c’est une belle façon de conclure ce portait d’amateur.

Pierre Maurice, Danseur amateur

Pierre Maurice a 39 ans et pratique la danse contemporaine en amateur depuis trois ans, sur la commune de Guillestre, avec l’association Ascendance.

Malgré les grosses perturbations qu’a rencontré cette pratique ces dernières années avec le Covid 19, sa découverte a était pour Pierre d’une aide précieuse.

Découverte ou redécouverte puisque, comme pour beaucoup de personnes, ses rapports à la danse n’avaient pas été jusque-là inexistants.

Il avait en effet découvert très jeune et avec grand plaisir, la pratique de l’expression libre grâce à une maîtresse d’école qui le fît danser une année sur le Boléro de Ravel, mais cette découverte n’alla pas plus loin, et ce n’est qu’une fois adulte, lors de soirées festives et alcoolisées, qu’il renoua avec un corps dansant, avide de liberté et d’expression.

Il y a trois ans, conjuguant une phase de vie compliquée et un désir de renouveau, il pousse la porte de ce cours de danse contemporaine qui se donne tout près de chez lui.

L’envie de toucher au lâcher prise, hors soirée, tout en étant guidé par un professeur s’est faite jour. Il recherche avant tout un lieu d’expression corporelle. Il affirme n’y connaitre rien en danse, et pourtant le voici, seul homme parmi les participantes.

Il s’y attendait bien sûr. Rares sont ses amis hommes qui expriment le désir de prendre des cours de danse, ou s’ils le font, ils envisagent plus volontiers la pratique du Hip-hop.

Pour Pierre, à l’aube de ses quarante ans, les prouesses physiques qu’appellent le Hip-hop semblent moins à sa portée qu’il y a quelques années. Alors, si on le charrie quelque peu sur son attrait pour la danse, Pierre constate surtout que cela suscite de la curiosité.

Dans une belle ouverture d’esprit, il n’hésite pas à faire le lien avec les pratiques sportives qu’il a expérimenté.

Le kitesurf a été sa spécialité pendant quelques temps : il retrouve dans la danse contemporaine ce côté aérien, et le rapport aux figures dans l’espace. « Il y a ce côté voluptueux dans le kitesurf. Dans l’attitude et la façon de maitriser le kite, il y a quelque chose d’artistique ».

Dès le premier cours, il se sent très bien accueilli. La pratique est bienveillante et même s’il est parfois difficile de trouver la motivation pour y retourner, le bienêtre corporel qu’il ressent à la fin de chaque séance se rappelle à lui et lui fait franchir le pas à nouveau.

Pour cet homme, façonné par des métiers physiques : menuisier, professeur de planche à voile, de kite-surf, le bien-être ressenti a quelque chose de très palpable.

De physique, il devient psychique, et nourrit son appétence pour la pratique de la danse.

Chaque semaine, durant une heure trente, après des échauffements toujours différents, le corps est mis en mouvement de manière douce et souple.

Des chorégraphies sont également travaillées et mémorisées. Comme Pierre a parfois du mal avec le travail de mémoire, le réflexe d’écolier bien connu : celui de copier, est ici partie prenante du jeu et de l’expression.

Pierre adore regarder les gens danser en cours. Sur de l’électro douce avec des lignes mélodiques classique, il découvre la manière de se mouvoir de différents types de corps et cela l’émeut.

Il se surprend à s’ouvrir et à sortir de ses représentations corporelles. Les exercices sont parfois étonnants : il est arrivé qu’au cours de quelques séances en extérieur, Isabelle Bazin Mazuel, la professeure, propose à ses élèves de danser avec pour décor les rues de Mont-Dauphin, sous le regard des passants. Pas facile dans ces moments-là de ne pas automatiquement se juger. Mais la tentative en vaut la peine, affirme-t-il, pour l’effet bénéfique et impressionnant ressenti juste après.

En 2020, il a pu participer au spectacle autour des 800 ans de la cathédrale d’Embrun dans un superbe décor, accompagné d’un orchestre. Les chorégraphies ont pris la forme d’une déambulation, et même si elles ont été travaillées en seulement deux mois en raison du covid, avec un appui vidéo à la maison, Pierre a particulièrement aimé ce moment qu’il qualifie volontiers de « dingue, pour des amateurs comme nous ».

Enfin, une pratique en appelant une autre, il a eu le plaisir de découvrir cette année les bals folks, mais aussi la chorale où une amie l’a chaleureusement « entrainé ». La porte de l’expression artistique est ouverte : il n’en est pas encore à danser tout seul chez lui, mais au détour d’une balade, devant une vache, pourquoi pas. Il a d’ailleurs grâce au cours pris conscience de l’importance de sa respiration, et lorsqu’il lui arrive de travailler sur des chantiers, cette prise de conscience l’accompagne bénéfiquement. Le lien entre une vie au travail et une autre à la danse se tisse peu à peu. Il ne se projette pas, mais le désir d’exprimer quelque chose de lui et de libre est bel et bien là. Il ne nous reste plus qu’à lui souhaiter de belles réalisations !

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